En cette veille de saison 1998-1999, le football n'a jamais eu une telle cote en France. L'éclatante victoire de l'Equipe nationale en finale de la Coupe du Monde a soulevé une vague d'enthousiasme sans précédent. Dans les profondeurs de la 3ème division, le SCO en tirera-t-il profit ? Rien n'est moins sûr car pour la première fois depuis qu'il l'avait obtenu en 1945, il a perdu son statut « pro », ce qui provoque un exil : aucun cadre ne reste. Il faut tout reconstruire en s'appuyant davantage sur les ressources du centre de formation (qui par chance n'a pas été trop dépouillé) : place à Bourgeais, Gaborit, Guégan, Jenni, Lhommédé, Michaud, Savidan mais aussi à Bouvier, Citron (Bertrand, le fils de Jean-Yves qui était titulaire en D1 quand il est né), Jeanneteau, Sidibé, Urbain, Vallivero et aux frères Louiron.
Pour le poste d'entraîneur, le choix des dirigeants scoïstes se porte sur Christian Dupont (42 ans), natif de La Roche-sur-Yon. Rien de clinquant, rien d'exotique : il vient du CFA, il a fait toute sa carrière de joueur puis d'entraîneur en Vendée, au Poiré sur-Vie puis avec le club de « La Roche Vendée Football » avec lequel il a passé quatre ans en D2 et 3 ans en CN1. Voilà un entraîneur rompu aux difficultés qu'est susceptible de rencontrer le SCO.
Du côté des joueurs, on recrute des joueurs sérieux mais peu connus : David Grossmann, arrière de 26 ans, pas titulaire à Lorient où il a été formé ; Frédéric Lemasson, 23 ans, arrière né à Angers mais formé à Nantes où il n'a jamais joué en équipe A ; Sébastien Le Paih, né à Nantes, milieu de 23 ans, passé par Le Mans puis Lorient ; Hervé Louis-Marie, arrière gauche martiniquais de 27 ans familier des clubs de 2ème et 3ème division (Red Star, Dunkerque, Troyes, Charleville, Gazélec) et Jérôme Molinier, attaquant de 24 ans qui a joué à Guingamp, Troyes et Créteil. Deux joueurs ont toutefois une plus grande renommée : Alain Gunia, 31 ans, qui a disputé sept saisons au Red Star, et surtout Yannick Le Saux, 33 ans, ex-Guingamp, Orléans, Laval, Saint-Brieuc et Red Star, qui fut meilleur buteur de D2 quatre ans plus tôt avec le club briochin.
C'est la deuxième saison du National à poule unique ; la compétition est renforcée par la descente de Louhans, Martigues et Mulhouse mais les promus (Pau, Pacy, Saint-Priest et le ressuscité Valenciennes) n'ont pas grand chose d'inquiétant. Même si tout le monde scoïste – dirigeants, joueurs et supporteurs – est traumatisé par le naufrage de la saison précédente, l'équipe angevine semble avoir les moyens de se maintenir assez facilement.
Pourtant, le début de saison est pire que tout ce qu'on pouvait imaginer. D'abord accroché par le modeste club de Saint-Priest, le SCO subit ensuite cinq défaites d'affilée qui l'enfoncent logiquement à l'avant-dernière place. Le plus cuisant affront est la raclée infligée à domicile par le promu palois (0-4). Avant d'affronter le Paris F.C., le SCO ne compte que deux victoires et deux nuls pour six défaites, et voilà qu'il se fait mener 0-2 au bout de 4 minutes ! Il s'incline finalement 4-1. Le parcours en Coupe de France n'est guère brillant non plus et le SCO est éliminé en trente-deuxièmes de finale en disputant quatre fois de suite les prolongations face à des équipes de rang inférieur.
Cependant, l'équipe s'améliore lentement mais sûrement. Elle signe même quelques coups d'éclat, tels que cette victoire 4-1 contre Fréjus grâce à un quadruplé de Steve Savidan, ou encore cette revanche 4-0 sur le Paris F.C. Malgré quelques « absences » à Martigues (1-4) où à Ajaccio (0-5 face au Gazélec qui finira sur le podium mais sera interdit de montée), le SCO parvient à maintenir la tête hors de l'eau et se classe finalement 12ème. Notons que les trois derniers matches ont été disputés au stade du Lac-de-Maine pendant que la pelouse de Jean-Bouin se refait une santé.
Le maintien est acquis et le SCO peut même se féliciter de l'efficacité de son attaque : Savidan a inscrit 15 buts en championnat et Molinier 11. Il a entamé sa reconstruction et le mérite en revient pour une bonne part à son entraîneur. Mais à la surprise générale, Christian Dupont jette l'éponge : ayant échoué à obtenir le brevet de troisième degré, il décida de reprendre sa carrière d'enseignant en éducation physique et sportive !
Départs : Darnault (Reims), Debenest (Mouscron, Belgique), Delétang (Rouen), Denizart (Cambrai), Doumbouya (Naval, Portugal), Dufour (Mulhouse), François, Guillaume (Guingamp), Le Queré (Lamballe), L'Helgouach (Ulm, Allemagne), Mel Perez (Ecija, Espagne), Moreno (Lorient), Parisi (Chacarita Juniors, Argentine), Poulard (Le Mans), Rivoal (Libourne-&-Saint-Seurin), Tambouret (Beauvais), Terrien (Caen), Zué N'Guéma (Espérance de Tunis, Tunisie)
Arrivées : Dupont (La Roche-sur-Yon, entr.), Grossmann (Lorient), Gunia (Red Star), Jouan (Nantes), Lemasson (Nantes), Le Paih (Lorient), Le Saux (Red Star), Louis-Marie (Gazélec d'Ajaccio), Molinier (Créteil), Vallivero
Effectif : Boucher, Bourgeais, Bouvier, Citron, Gaborit, Grossmann, Gw. Guégan, Gunia, Jeanneteau, Jenni, Jouan, Lemasson, Le Paih, Le Saux, Lhommédé, Gr. Louiron, W. Louiron, Louis-Marie, Lucas, Michaud, Molinier, Savidan, Sidibé, Urbain, Vallivero – Entr. Dupont
© Olivier Moreau 2014
Le SCO fait partie des pionniers du nouveau championnat de National, sorte de super-CN1 comportant une seule poule nationale de 20 clubs. On y trouve d’anciens pensionnaires de D1 (Ajaccio, Angoulême, Angers, Paris FC, le Racing, Sedan, Tours), des clubs ayant connu récemment la D2 (Bourges, Charleville, Créteil, Epinal, le Gazélec, Istres, Poitiers) et des clubs amateurs bien moins renommés (Fréjus, Noisy-le-Sec, Raon-l’Etape, Saint-Denis-et-Saint-Leu, Saint-Maur, Thouars). Ajaccio vivra donc deux authentiques derbies entre l’Athletic Club, remonté du fin fond des championnats amateurs, à droite et le Gazélec à gauche. Quant à la proche banlieue parisienne, elle pourra organiser un championnat interne puisqu’elle n'aligne pas moins de six clubs : Créteil et Saint-Maur au sud-est, Paris FC et Noisy-le-Sec à l’est, le Racing à l’ouest et Saint-Denis-&-Saint-Leu au nord-ouest. C’est qu’à Paris on se bouscule pour devenir le « club résident » du tout neuf Stade de France construit pour la future Coupe du Monde. Créteil, le Racing et St-Denis-St-Leu (qui a néanmoins déçu la saison précédente) tiennent à monter en D2 où le Red Star vise la D1. Parmi les autres favoris du National figurent Istres et Sedan ainsi que les « pros » de Poitiers et… du SCO, fort de son excellente saison 96-97. Comme la D2 sera réduite en fin de saison (20 clubs au lieu de 22), seuls les deux premiers du National seront promus.
Au SCO, toujours contraint de tirer le diable par la queue pour boucler ses fins de mois, c’est le grand chambardement. Le nouvel entraîneur est un Angevin de naissance même s’il a fait le meilleur de sa carrière en Bourgogne : Jean-Yves Chay, 39 ans, ancien enseignant, a en effet entraîné les clubs « pros » de Montceau-les-Mines puis de Gueugnon et arrive d’une année passée à Tunis. Du côté des joueurs, les trois quarts de l’effectif sont partis, les plus belles promotions échéant à Alexandre Bonnot (Watford) et à Ulrich Ramé (Bordeaux, comme doublure du gardien international Stanley Menzo).
Le SCO s’est efforcé de recruter sérieux, jeune et modeste. Arrivent donc le gardien Arnaud Lucas (25 ans, Cherbourg), les arrières Eric Denizart (31 ans, de retour au SCO après neuf ans d’absence) et Sébastien Rivoal (28 ans, ex-Brest, Amiens et Rennes), les milieux Eric Delétang (31 ans, champion de France avec Monaco en 1988 puis passé par Martigues, Le Havre, Perpignan, Alès et Lorient), Cyrille L’Helgouach (27 ans, ex-Rennes, Châteauroux et Saint-Denis-&-Saint-Leu) et Nicolas François (24 ans, en provenance de Quimper), enfin les avants Nicolas Moreno (19 ans, Monaco) et Frédéric Darnault (28 ans, de Wasquehal avec qui il a barré la route de la D2 au SCO). Quant à l’attaquant de poche Théodore Zué N’Guema, il est retenu par la sélection gabonaise et manque le début du championnat.
Le SCO débute de la plus mauvaise des manières en s’inclinant en Seine-Saint-Denis en présence de 200 spectateurs : « Echec à Noisy-le-Sec »… La semaine suivante, c’est une défaite à domicile face à Sedan puis, malgré le recrutement du meneur argentin Edgardo Dario Parisi, une débâcle à Saint-Leu. Voilà le SCO dernier ! Il gagne (enfin) contre les Lusitanos de Saint-Maur mais sombre à nouveau à Tours. Pour remplacer Lucas qui semble manquer d’expérience, arrive en renfort Thomas Debenest, ancien gardien des Chamois niortais et du Red Star. De fait, le SCO n’encaisse pas de but au cours des deux rencontres suivantes ; le problème, c’est qu’il est incapable d’en marquer !
Avec le milieu Kalifa Doumbouya – encore un renfort – les Scoïstes obtiennent deux victoires à domicile. Mais c’est ensuite un interminable passage à vide, tout juste ponctué de qualifications sans gloire en Coupe de France. Encore faut-il en venir aux prolongations pour écarter le Foyer de Trélazé puis les Martiniquais du Golden Star ! La Coupe de la Ligue est une formalité vite expédiée (0-1 à Beauvais).
Pauvre financièrement et techniquement, le club connaît en outre des dissensions entre ses dirigeants et entre l’entraîneur et certains de ses joueurs. Cette tension éclate au grand jour après la défaite de Sedan... : Cyrille L’Helgouach fait part à la presse de ses divergences avec Chay. Celui-ci décide de le sanctionner et de ne pas l’aligner pour la rencontre suivante mais il désavoué par le président Le Dû qui estime que le SCO a un effectif trop réduit pour se permettre de faire l’impasse sur un élément tel que L’Helgouach. Chay est démis de sa fonction et remplacé par Mézenge. Dès le lendemain, ce dernier dirige le SCO qui se fait piteusement éliminer de la Coupe de France par les amateurs d’Argentan.
Ci-devant responsable de la formation, Mézenge introduit plusieurs changements par la suite. Il choisit de s’appuyer davantage sur de jeunes joueurs : c’est ainsi que Louiron et Michaud font leurs débuts et que Bourgeais, Jenni et Savidan sont renforcés. En février est recruté le milieu de terrain Stéphane Boucher dont le club de Bourges vient de faire faillite en cours de saison.
Auparavant, durant la trêve des fêtes, le SCO avait accueilli un autre renfort. L’arrivée du vétéran Jose Mel Perez, meilleur buteur de D2 espagnole en 1990 avec le Betis de Séville, était survenue dans un contexte bien particulier. C’est que depuis Noël on s’agite en coulisses. Certains dirigeants dont le président Le Dû sont sensibles à l’idée d’un rachat du club. L’acheteur potentiel, Ariete Sport, est une société espagnole d’agents de joueurs qui a pignon sur rue. Selon l’homme qui la représente dans les discussions, le Français d’origine serbe Zoran Majitevic, Ariete est prête à investir dans le SCO en dépit de son piètre classement en D3 française car le club possède un excellent centre de formation. L’arrivée de Mel Perez payée par Ariete Sport est un signe de bonne volonté. Un autre signe, plus significatif, est le remplacement mi-avril de Jean-Marc Mézenge par l’Argentin Gustavo Silva, un autre homme d’Ariete Sport. Supposé meilleur que Mézenge, Silva ne tient pas longtemps. Après une défaite à domicile contre Créteil (0-1), il subit une déroute cauchemardesque à Poitiers (0-4, expulsions de Moreno et de Poulard). Quatre jours plus tard, le SCO perd son président : partisan de la cession du club à Ariete Sport mais échouant à convaindre les autres dirigeants angevins, Le Dû a démissionné. Silva repart aussi vite qu’il était venu et Mézenge retrouve sa place. L’implication d’Ariete Sport existait-elle réellement ? Il n’y eut jamais d’offre écrite de sa part et on peut se demander si Mijatevic n’agissait pas en solo. Avec quelles motivations réelles ?... Par la suite, il sera l’éphémère manager général de l’O.G.C. Nice puis sera suspecté par la justice espagnole d’avoir organisé un trafic de stupéfiant dans le milieu du football.
Sur le terrain, c’est aussi navrant. Le 1er mai, on ne compte qu’un demi-millier de spectateurs pour recevoir Raon-l’Etape ! L’unique succès des matches retour – 1-0 contre le Gazélec – met fin à une série de 21 matches de championnat sans victoire. Quinze jours et une défaite plus tard (cinq buts encaissés), le SCO clôt sa plus triste saison par un match nul à Jean-Bouin en présence de 942 spectateurs seulement. Voici donc le vénérable club angevin relégué en CFA et rayé de la liste des clubs professionnels. Il finit 17ème sur 18 classés, à 9 points du maintien. Seul Fréjus finit derrière, à 1 point. Le SCO possède la plus mauvaise attaque. Seule consolation, Edgardo Parisi remporte le classement du meilleur joueur de National établi par France Football.
Pourtant, cette saison agitée (un rachat manqué, deux présidents, trois entraîneurs, six renforts) se conclut par un sauvetage presque miraculeux. Le SCO bénéficie en effet de trois abandons (Charleville, Bourges, Epinal) et de trois rétrogradations administratives (Poitiers, Tours, Saint-Denis-&-Saint-Leu) pour sauver sa place en National. La France du football a la tête ailleurs : elle accueille la Coupe du Monde…
Départs : Bonnot (Watford, Angleterre), Chevalier (Bourges), Ducourneau (Fontenay-le-Comte), Etourneau (La Flèche), Gehra (Angoulême), Guesdon, Lalmand (Saint-Denis-&-Saint-Leu), Larre, Monczuk (Dunkerque), Mottin (Intrépide, Angers), Mouyémé, Noyers (Cannes), Rabouan (arrêt), Ramé (Bordeaux), Rey (Alès), Roi (La Flèche), Traoré (Créteil)
Arrivées : Boucher (Bourges), Bourgeais (Segré), Chay (Tunis, Tunisie, entr.), Darnault (Wasquehal), Debenest (Red Star), Delétang (Lorient), Denizart (Cherleroi, Belgique), Doumbouya (Le Havre), François (Quimper), Gaborit (Nantes), Gw. Guégan (Vannes), Guillaume (Brétigny-sur-Orge), Le Queré (Lamballe), L’Helgouach (Saint-Denis & Saint-Leu), Lucas (Cherbourg), Mel Perez (Getafe, Espagne), Moreno (Monaco), Parisi (Sedan), Rivoal (Avranches), Zué N’Guéma (M’Bilinga, Gabon)
Effectif : Boucher, Bourgeais, Darnault, Debenest, Delétang, Denizart, Doumbouya, Dufour, François, Gaborit, Gw. Guégan, Guillaume, Jenni, Le Queré, L’Helgouach, Lhommédé, W. Louiron, Lucas, Mel Perez (Getafe, Espagne), Michaud, Moreno, Parisi, Poulard, Rivoal, Savidan, Tambouret, Terrien, Zué N’Guéma – Entr. Chay puis Mézenge avec un intermède de Silva
© Olivier Moreau 2011