Comme convenu, Elie Fruchart part en retraite. Christian Letort reste en charge de l'équipe " pro " et le centre de formation est confié à un ancien joueur professionnel entraîneur d'Avranches, Henri Atamaniuk, 40 ans. Un vent d'enthousiasme souffle sur le football français, tout enorgueilli de son nouveau titre de champion d'Europe. Le tournoi a constitué un succès éclatant, aussi bien dans son organisation que dans la réussite sportive des Bleus. Peut-être faut-il attribuer à ce climat d'optimisme l'effort de recrutement du SCO, qui tranche avec l'austérité des années précédentes. En effet, à l'échelle de la D2 semi-professionnelle, ce sont deux pointures qui arrivent en Anjou. Grégoire M'Bida, milieu polyvalent de 29 ans, a joué les trois matches du Cameroun lors de la coupe du Monde 82. Aussi surprenante que son homologue algérienne, la sélection camerounaise était restée invaincue avec trois nuls contre le Pérou, la Pologne et l'Italie (qui finirent médailles de bronze et médailles d'or !). Quant à l'attaquant yougoslave Ranko Tukac, âgé de 32 ans, qui a joué à Metz et à Nancy, on lui prête des qualités d'" esthète " ainsi qu'une " forte personnalité ". Patrick Rey arrive de Lille où il n'était plus titulaire. Jean-Michel Papini, jeune milieu gauche, est prêté par le PSG. On s'explique plus difficilement le recrutement de Pascal Schall qui n'a pas montré grand chose avec l'équipe de Villefranche. Enfin, Albert Nelson, revenu pendant la saison passée après un court passage à La Rochelle, est désormais qualifié. Toutefois, il n'est pas dit que ces arrivées compenseront l'exode annuel des piliers de l'équipe car Avrillon, Brodel, Diecket, Guégan, Heyman, Narbutowicz et Slimani quittent le navire angevin !
La réponse tarde quelque peu à arriver. En ouverture, le SCO affronte à nouveau Orléans. Et c'est à nouveau Berdoll qui marque. A la 92' ! Suivent trois matches nuls dont un contre Mulhouse et un autre à Valenciennes, des équipes présumées nettement plus fortes. Le point perdu lors de la réception de Quimper et la défaite à Dunkerque ne sont pas dramatiques, d'autant que le SCO bat le leader guingampais lors de la sixième journée, devant près de 5.000 spectateurs. Mais il suffit de peu de choses pour que la balance bascule. Le SCO perd à Saint-Ouen, à Besançon, à Caen, et le seul succès face à un Stade Français en difficulté financière (5-1, doublés de Falette et de Rey) ne saurait faire illusion. Au soir d'une sévère défaite à domicile (1-4 par Le Havre), Letort est démis de ses fonctions. Il est remplacé par Atamaniuk dont l'équipe réserve est en tête de son groupe de D4.
Il n'y a pas de " choc psychologique " : subissant une quatrième et une cinquième défaites consécutives, le SCO se retrouve relégable. D'ailleurs Atamaniuk n'a pas bouleversé l'effectif, hormis les sorties de Grosbois et de Schall et le retour d'Arribas. Seuls recours possibles, les joueurs de la réserve font leur entrée progressivement : Mehli, Sauvaget, Le Gall, Delanoë, Moulin, Lotaire. La vérité est que le SCO n'a plus le niveau suffisant et la fin de l'année 1984 en administre la preuve cinglante. A huit jours d'intervalle, il subit les deux plus graves déroutes de son histoire !
Déjà lors de confrontations récentes, le F.C. Mulhouse l'avait remporté 4 à 0. Mais la défaite du 14 décembre 1984 au stade de l'Ill appartient à une autre catégorie, celle des cauchemars, des matches dont on finit par douter de les avoir vécus. Eriksen ouvre la marque à la 18' et Assad la double à la 41'. Que le SCO soit mené 2-0 à la mi-temps chez l'une des meilleures équipes de D2 n'a rien d'anormal. Ce qui incompréhensible, c'est l'effondrement qui se produit ensuite : 56' Tirloit, 61' Bernardet, 66' Assad, 75' Zemb, 77' Mansouri, 79' Zemb, et enfin 89' Assad. Encore Eriksen a-t-il raté un pénalty ! Falette et Grosbois pas titulaires, Tukac absent, Papini et Arribas de retour après une longue absence, une équipe manquant d'homogénéité, des tensions qui commencent à naître entre Atamaniuk et ses joueurs, rien de tout cela ne suffit à comprendre.
La Coupe de France devrait permettre au SCO de se refaire une santé morale avant la trêve d'un mois : en effet, l'adversaire du 7ème tour joue trois divisions plus bas. De son côté, le Nord-Ouest Cercle Paul-Bert de Rennes ne rêve évidemment que d'un exploit face au SCO d'Angers, un nom qui flatte encore l'oreille des footeux. Devant 1.650 spectateurs payants réunis au stade vélodrome de Rennes, le NOCPB tient les professionnels en échec et obtient la prolongation. Et ce qui doit arriver survient : incapable de marquer le moindre but, le SCO est éliminé. En une soixantaine de participations, il n'avait jamais connu pareille humiliation !
Le bilan est alarmant. Le SCO vient de vivre sa plus lourde défaite en quarante années de professionnalisme et sa plus piteuse élimination en Coupe. Il est relégable. Son attaque est extrêmement faible (5 buts sur les dix derniers matches). Il n'a pas d'argent. Les choses ont bien changé depuis le temps où on venait le voir jouer de tous les départements environnants. Nantes est définitivement devenu le club phare de l'Ouest ; Laval tient sa place en D1 depuis près de dix ans et a même disputé la coupe de l'UEFA ; Tours joue également dans l'élite et vient de vivre deux demi-finales de Coupe de France ; Rennes est en haut de l'affiche de la D2. Quelle place reste-t-il au club angevin ?
La reprise hivernale n'est pas meilleure : Dunkerque glane son premier point à l'extérieur. Guingamp (3-1) et Abbeville (4-0) gagnent sans forcer. Avec le report de son match contre le Red Star, le SCO se trouve décroché au classement. C'est dans ce contexte que Charles-Emile Patoureaux achève son mandat et ne se représente pas. Les candidats ne se bousculent pas pour lui succéder. Seul à se présenter, et bénéficiant de l'appui de son ami Atamaniuk, Bernard Bongibault, entrepreneur de travaux publics âgé de 38 ans, est élu président. Jacques Tondut reste vice-président et André Le Dû est responsable de la commission " sociale ".
Le SCO subit encore des échecs cuisants, tel ce 0-3 sanctionnant un déplacement à Quimper effectué en voitures particulières, ce revers à domicile contre la modeste équipe caennaise à l'issue de laquelle le président Bongibault se déclare " outré ", ou encore cette défaite par le Stade Français devant 150 spectateurs égarés ! Hormis le " carton " sur Châteauroux, équipe complètement à la dérive (3-0 dès la 14', score final 6-0 dont un but de Beaufreton sur pénalty) et deux victoires sur Besançon et Reims, le SCO ne parvient pas à se ressaisir. A deux journées de la fin, la défaite contre le Red Star dans le match en retard sonne le glas des espérances angevines : avec 4 points de retard et une différence de -12 par rapport à Dunkerque, l'issue est forcément fatale. Malgré des tiraillements internes, les joueurs s'accrochent et font une bonne affaire en gagnant chez le rival Amiens lors de l'avant-dernière journée : cette victoire assure la seizième place qui pourrait être utile dans la perspective d'un éventuel repêchage. Le dernier match du SCO en deuxième division est à l'image de cette pitoyable saison : c'est une défaite à domicile devant une poignée de spectateurs.
Départs : Avrillon (Caen), Brodel (Dunkerque), Diecket (Tours), Guégan (Guingamp), Heyman (Guingamp), Le Breton (Montreuil-Juigné), Narbutowicz (Pologne), Petron (Montauban), Slimani (Chalon-sur-Saône)
Arrivées : M'Bida (Bastia), Papini (Paris Saint-Germain), Perrocheau (Rezé), Rey (Lille), Schall (Villefranche-sur-Saône), Tukac (Nancy)
Effectif : Arribas, Badajoz, Beaufreton, Delanoë, Falette, Geffriaud, Grosbois, Le Gall, Lotaire, M'Bida, Mehli N., Moulin, Nelson, Papini, Perrocheau, Petiteau, Piniarski, Rey, Sauvaget, Schall, Tukac, Verdon - Entr. Letort puis Atamaniuk
© Olivier Moreau 2005